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Rencontre avec Eddy Zouari, propriétaire du restaurant Le Laumière

Passion du métier et transmission dans le 19ème arrondissement de Paris

Comme toutes les capitales du monde, Paris est un amalgame de quartiers à l’ambiance unique, offrant chacun leur lot de découvertes tant culturelles que gastronomiques. Echappant au tourisme de masse, le 19èmearrondissement réserve de belles adresses gourmandes, dès lors que l’on pousse la promenade jusqu’au Parc des Buttes Chaumont. En sortant du métro Laumière, nous vous invitons à découvrir une véritable institution parisienne, où vous pourrez déguster des grands classiques de la cuisine française mais pas seulement. Zoom sur le restaurant Le Laumière, une table incontournable du grand est de Paris.

Dans cette belle maison qui a vu le jour en 1978 règne un seul maitre mot : l’art de vivre à la française. Le propriétaire Eddy Zouari et ses équipes ont à cœur de sublimer une cuisine de qualité à travers l’accueil et les techniques de salle qui ont tendance à se raréfier : « Nous avons une carte semi-figée, avec les grands classiques de la maison que je ne peux en aucun cas enlever… parce que les gens viennent pour ça ! Par exemple, j’ai mis en place en 2006 les véritables quenelles de brochet de Louis XIV. Cette recette m’a été confiée par l’ancien second du restaurant Louis XIV (qui n’existe plus) avant son départ à la retraite. Le tournedos flambé aux morilles, le turbotin, la sole meunière, les crêpes Suzette, ou encore le homard, pêché à la commande, rôti en cuisine, flambé et décortiqué devant le client en salle. Ici nous faisons beaucoup de finitions en salle (découpage, flambage etc.), ce qui permet aux jeunes d’acquérir un vrai savoir-faire. C’est extrêmement enrichissant ! A travers nos différents menus et notre carte, nous travaillons également la saisonnalité avec les produits du marché. Nous proposons aussi une partie « petite brasserie » avec des prix accessibles à l’avant de l’établissement. Cela permet une rotation des produits et amène une ambiance du mardi au vendredi midi. Sans oublier les plateaux de fruits de mer, avec notamment les huitres Gillardeau. Je travaille essentiellement avec Rungis. Je connais certains de mes fournisseurs depuis plus de 25 ans. Ils savent ce que j’attends en matière de qualité de produits. Mon grossiste de fruits et légumes ne propose que des productions d’Ile de France ou issus de circuits courts. Enfin, j’ai la chance d’avoir un petit producteur d’asperges et de fraises venu tout droit des Landes. Le Laumière était traditionnellement un restaurant tourné vers le poisson mais quand je l’ai repris, j’ai aussi souhaité remettre au goût du jour des produits de la terre à l’image de la tête de veau sauce ravigote ou le Chateaubriand de filet de bœuf ».

C’est en 2006 que Eddy Zouari, proche de la quarantaine, a repris le Laumière. Un restaurant qu’il connaissait sur le bout des doigts puisqu’il y avait travaillé très jeune de 1984 à 1988 avec les anciens propriétaires, avant de bourlinguer dans le métier et intégrer un grand groupe de restauration très formateur : « Je suis cuisinier de métier, et ce, au grand damne de mes parents commerçants qui voulaient que j’exerce une autre profession. Enfant c’était déjà mon rêve d’être cuisinier. J’ai toujours aimé manger. Je suis gourmand et gourmet.  J’ai intégré le CFA de Médéric et fait un apprentissage chez Jacque Cagna dans le 16èmearrondissement. J’ai ensuite été le plus jeune chef du groupe Flo, j’avais à peine 26 ans au Terminus Nord. En 1999 j’ai eu envie de passer de l’autre côté et d’apprendre le côté salle, avec pour finalité, de pouvoir ouvrir mon propre restaurant. J’ai eu la chance de rencontrer Jean-Paul Bucher, le patron du groupe qui m’a beaucoup aidé. Il m’a donné l’opportunité d’intégrer la brasserie Bofinger en faisant un cursus de direction, c’est-à-dire en redémarrant tout en bas de l’échelon comme simple commis de salle pour finir au bout de 9 mois en tant que directeur-adjoint. Puis il m’a engagé à la Coupole en 2000 pour une première expérience comme directeur général. Une expérience pas simple mais intéressante et formatrice.  Ma force aujourd’hui est de pouvoir travailler avec mon chef Jean-Claude Bertrand sur les cartes et les menus en tant qu’ancien cuisinier. J’y gagne aussi en rapidité en pouvant moi-même proposer des menus aux clients en fonction de leurs attentes et de la saisonnalité ».

Un tel parcours n’est pas anodin et a motivé Eddy Zouari à son tour pour former les jeunes et transmettre la passion de son métier : « La transmission est très importante. Pour moi c’est l’avenir du métier. Si l’on n’est pas capable nous professionnels de transmettre, il ne faudra pas s’étonner qu’un jour il y ait une cassure et que le jeune ne sache pas travailler. Surtout quand vous avez des jeunes qui adhèrent et qui ont envie d’apprendre. Il y a toujours une part d’échec, mais quand l’envie est là des deux côtés il se passe quelque chose. Il faut s’adapter avec son temps. Il y a un dialogue à avoir avec les apprentis qui est différent de celui qu’on a pu avoir à notre époque. La manière de manager a changé et heureusement ! De mon temps, c’était de l’esclavagisme, nous étions des bons à rien. Nous les professionnels, avons à l’heure actuelle un rôle à jouer. Aujourd’hui je n’ai pas de problème de recrutement. Pourquoi ? Parce que je me fais moi-même mon propre réseau. Tous les ans je forme. Si j’ai des besoins j’embauche mes apprentis, sinon je les place dans des restaurants de Paris que je connais. Je reste en contact avec eux. Quelques années après, je récupère ces jeunes que j’ai formé et qui ont grandi ailleurs. Je suis toujours au complet dans mes brigades de cuisine ou de salle. Travailler en coupure reste compliqué mais dès lors que l’on a une ambiance de travail cohérente et que la confiance est là, tout se passe bien et cela fonctionne. Les jeunes que je forme ont tous un petit badge « apprenti en formation » ce qui permet aux clients de visualiser et d’être compréhensifs vis-à-vis d’eux. Si on ne leur donne pas une chance ils n’apprendront jamais ! Il faut donner la possibilité à nos jeunes d’apprendre et de grandir. J’ai toujours eu des apprentis qui sont aujourd’hui devenus des chefs de cuisine, des patrons d’établissements etc. toujours en contact avec moi. C’est hyper valorisant. Et pourtant certains partaient de très loin… Quand je vais les voir tous, c’est que du bonheur ! ».

Propos recueillis par Annie Mitault

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