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Gaël Orieux : Quand terre et mer ne font plus qu’un dans l’assiette…

Si beaucoup de grands noms de la gastronomie sont tombés dans la marmite très jeunes, il n’en est rien pour Gaël Orieux qui a passé sa plus tendre enfance à observer les fonds marins. Un atout pour ce chef qui pratique une cuisine à la fois traditionnelle et contemporaine. Dans son restaurant « Auguste » situé au cœur du quartier des ministères et des ambassades, il réveille les papilles de ses clients en alliant subtilement les saveurs de la campagne où il est né avec celles de la mer qu’il connait sur le bout des doigts. A l’occasion de la sortie de son livre « Cuisiner la Mer » (Editions de la Martinière), nous avons le plaisir de rencontrer Gaël Orieux, chef engagé et grand défenseur des ressources marines…

Rien ne vous prédestinait à faire de la cuisine… Comment est née cette envie de passer derrière les fourneaux ?

Je suis venu sur le chemin de la cuisine un peu par hasard… J’ai en effet grandi dans une famille peu gastronome. Mon père médecin-chirurgien et ma mère pharmacienne ne s’intéressaient absolument pas aux plaisirs de la table. A la maison, la nourriture c’était juste pour se nourrir. Je suis né dans le Maine-et-Loire mais j’ai passé ma plus tendre enfance en Bretagne où nous avions une maison sur la côte. J’y ai développé une vraie passion pour la mer. A 18 ans, féru de rugby et de plongée sous-marine, je me destinais plutôt à une carrière sportive. Lors d’un séjour à Paris, je suis passé dans une rue devant l’école Jean Ferrandi qui organisait une journée portes ouvertes. Le hasard fait bien les choses. Ce sera pour moi une révélation… Pourtant, à cette époque je ne savais même pas faire la différence entre un oignon et une échalote. J’ai passé mon CAP de cuisinier en 8 mois avant de faire mon service militaire à l’Hôtel Matignon, où j’ai connu Christophe Muller, chef de Paul Bocuse. Le début d’une très belle aventure.

Vous avez fait vos armes dans les cuisines les plus prestigieuses : Paul Bocuse, Lucas Carton, Le Crillon, Taillevent, Le Meurice etc. Parmi les grands chefs que vous avez côtoyés, lequel (lesquels) d’entre eux considérez-vous comme votre (vos) mentors encore aujourd’hui ?

Lors de mon premier stage au Toit de Passy, le chef Yann Jacquot m’a donné un conseil auquel je n’ai jamais dérogé, celui de bien choisir mes chefs des plus classiques aux plus modernes. Et il avait raison. Acquérir les bases classiques est indispensable en cuisine. J’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment. Christophe Muller m’a fait rentrer chez Paul Bocuse où j’ai découvert le Guide Culinaire d’Auguste Escoffier. Un premier grand nom de la cuisine très important à mes yeux, tellement important que j’ai baptisé mon restaurant « Auguste » … Puis j’ai enchainé pratiquement 15 ans de maisons triplement étoilées (Senderens, Roellinger, Constant, Legendre etc.) avant de devenir le second de Yannick Aléno au Meurice. C’est un modèle. Il maitrise tout, le classicisme comme le modernisme. C’est avec lui que tout ce que j’avais appris a pris tout son sens dans l’assiette. En janvier 2005, lorsque j’ai décidé de voler de mes propres ailes, il m’a aidé à composer ma première carte à l’ouverture d’Auguste dans le 7éme arrondissement.

Comment qualifier votre cuisine ? Quel est votre plat « signature » ?

On m’a souvent donné une étiquette de « restaurant de poisson », ce qui n’est absolument pas le cas… Malgré mon attachement à la mer, et cela peut paraitre ironique, j’ai plus de viandes que de poissons sur ma carte ! Néanmoins, j’apporte une touche bretonne dans mes plats ; j’aime beaucoup le goût de la mer dans la bouche. Je m’accorde quelques micro-dérives en mariant les produits de la terre avec ceux de la mer. Ainsi, je propose actuellement un agneau rôti avec des tempuras d’anchois fumé. C’est en quelque sorte ma signature !

Comment sélectionnez-vous vos fournisseurs ou producteurs locaux ?

Depuis mon installation en 2005, je me suis constitué un bon carnet d’adresses et je travaille beaucoup en direct avec mes fournisseurs, notamment avec les poissonniers de la côte bretonne que je connais très bien. Avec Rungis, nous avons la chance d’avoir le plus beau jardin du monde. On y trouve tous les produits frais. Je m’approvisionne également dans une boutique qui centralise les produits frais d’une centaine de petits producteurs pour les tables parisiennes. Selon les saisons et les arrivages, ils m’appellent pour me proposer par exemple des fromages de grande qualité.

Citez-nous un produit que vous n’aimez pas et que vous n’avez jamais cuisiné…

Aucun. Par contre je ne veux plus cuisiner certains produits dont la cuisson peut parfois ne pas correspondre aux souhaits de la clientèle. J’évite, par exemple, les rognons ou encore le thon sur ma carte, que chacun d’entre nous va apprécier selon son goût très personnel.

Vous avez été le conseiller culinaire de l’émission Top Chef ! sur M6. Racontez-nous…

Cela a été une expérience très amusante ! En charge de la création des sujets et des thématiques, de la préparation des épreuves et de la sélection des produits, j’ai travaillé pendant 4 ans dans l’ombre du jury et du tournage du programme. J’ai trouvé que les candidats étaient plutôt bons et que l’émission a permis de faire éclore de belles vocations de cuisiniers à l’image de Pierre Augé ou Stéphanie Le Quellec.

On vous connait fervent défenseur des ressources de la mer. Comment est né le projet Mr Goodfish ?

En travaillant mes cartes, je me suis intéressé au littoral français et plus particulièrement aux poissons à privilégier en tant que restaurateur en fonction de leur stock, leur taille, leur saison etc. Très vite je me suis rendu compte qu’aucune information fiable n’existait, y compris au ministère de l’agriculture. L’idée a fait son chemin. Avec l’aide du ministère et de Philippe Vallette, directeur de Nausicaa (Centre National de la Mer à Boulogne-sur-Mer), nous avons initié le programme Mr Goodfish. C’est un outil en ligne (www.mrgoodfish.fr) qui permet aux chefs et aux poissonniers de connaitre pour les prochains mois la liste des espèces les plus abondantes selon chaque zone maritime. L’objectif ? Promouvoir l’achat de poisson « au bon moment, au bon endroit, à la bonne taille » mais aussi inciter les professionnels et le grand public à goûter de nouvelles espèces moins connues mais toutes aussi délicieuses comme le tacaud, le chinchard ou le maigre. Devenu européen, le programme Mr Goodfish permet de sensibiliser le plus grand nombre à la consommation durable des produits de la mer.

Aujourd’hui sort votre livre « Cuisiner la Mer » (Editions de la Martinière). Pouvez-vous nous le présenter ?

J’ai décidé de faire un livre qui me ressemble et qui soit accessible à la fois pour le cuisinier et pour la ménagère. La mer est un univers mal connu du grand public. Dans ce livre de 400 pages, j’y présente 70 espèces de poissons et fruits de mer, ensuite déclinées en 90 recettes. Bar, bonite, chinchard, merlan, ormeau, palourde, moule, crevette grise, tourteau, etc. Chacun des portraits de ces produits de la mer détaille la saisonnalité, les zones de pêches et la meilleure façon de les cuisiner, non sans une certaine note d’humour… Toutes les recettes sont ensuite classées selon sept grandes familles : Grandes Tables, Bourgeois, Canaille, Fraîcheur, Exotique, A l’eau ou au sel et Charcuterie et saurisserie.

Si demain je vous invite à déjeuner à la maison, quels sont les plats qui vous rendent heureux ?

Une côte de bœuf servie avec des pommes de terre sautées !

Propos recueillis par Annie Mitault

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